
Me Aïssata Tall Sall est-elle cohérente dans sa démarche
politique ? La question mérite d’être posée si l’on suit le parcours
politique et les prises de position de la mairesse de Podor qui évolue
de contradictions en contractions. A force de ramer à contre-courant de
ses idéaux, l’on en arrive à se demander si Aïssata Tall Sall est
cohérente et conséquente avec elle- même.
Incohérence ou
absence totale de logique ? Ce sont ces interrogations qui viennent à
l’esprit si l’on suit la démarche politique de la députée Aïssata Tall
Sall nommée nouvelle Envoyée spéciale du président Macky Sall. Le 10
avril 2016, dans la ville des Mureaux, en France, l’avocate sort du bois
et déclare ce qui suit et qui avait valeur de rébellion : « le Parti
Socialiste ne sera plus un comprimé aspirine à dissoudre dans le verre
de Macky. Quelle que soit la situation, le Ps aura son candidat en 2019 »
assurait la mairesse de Podor. Le 24 avril 2016, dans l’émission «
Objection » de Sud Fm, l’alors égérie du Parti socialiste pimente encore
le « Macky » en appelant à l’évaluation du compagnonnage entre cette
formation et l’Alliance pour la République (APR) au sein de la coalition
Bennoo Bokk Yaakaar. La teigneuse avocate indiquait en effet que le Ps
n’a pas pour vocation de tenir la sacoche de l’Apr. Mieux, elle estimait
qu’il doit mettre fin au dit compagnonnage, s’il le faut, « car cela
n’a abouti à rien de concret ». De son point de vue, son parti devait
mettre en place un projet politique pour aller à la re- conquête de la
confiance des Sénégalais. Me Aïssata Tall Sall disait regretter que les
fruits du compagnonnage entre le Ps et l’APR n’aient pas tenu la
promesse des fleurs. Pour cause, avait-elle expliqué, le parti du
président Senghor s’était affaibli à l’intérieur de la coalition Bby. «
La vocation du Ps n’est pas de tenir la sacoche de l’APR, mais c’est
d’être un parti qui doit aller à la conquête du pouvoir. Nous avons été
dans cette coalition jusque-là, nous n’avons pas vu, pendant tout ce
compagnonnage, ce que nous, nous avons pu apporter de significatif et de
déterminant qui était pris en compte. Pourquoi allons-nous continuer à
le faire ? Si pour nous, notre vocation c’est de gérer le Sénégal, il
faut arrêter, mettre en place un projet politique, notre programme pour
le Sénégal et le soumettre au peuple sénégalais», avait déclaré
l’ancienne challenger d’Ousmane Tanor Dieng au dernier congrès de
renouvellement des instances du Ps. « Il faut que le parti revienne à
lui-même et arrête d’emprunter le chemin qui n’est pas le sien. Le Ps
doit reconquérir la confiance du peuple sénégalais. Et s’il le faut, il
doit mettre fin à son compagnonnage avec Bennoo Bokk Yaakaar, car cela
n’a abouti à rien de concret », insistait encore Me Aïssata Tall Sall
lors de cette émission politique de la radio Sud Fm.
Un mois
auparavant, Me Aïssata Tall Sall avait pris le contrepied du défunt
secrétaire général de son parti, Ousmane Tanor Dieng, et attaqué le
président Macky Sall. C’était le 21 février 2016. Se prononçant sur le
respect de l’engagement de ce dernier de réduire la durée de son mandat à
cinq ans contre sept auxquels il avait droit, l’ancienne ministre de la
Communication du président Abdou Diouf soutenait que « la parole
publique vaut plus que l’écrit. Macky devait respecter son engagement »
d’autant que « le Conseil constitutionnel a rendu un avis » qui ne le
lie pas. Très en colère, Me Aïssata Tall Sall concluait que le
référendum de cette année-là n’avait plus de sens parce que le peuple
n’a pas été entendu alors que c’est lui qui devrait arbitrer la
réduction du mandat.
La nouvelle Envoyée Spéciale du président de la
République ne s’en était pas arrêtée là. Elle avait même craché sur le
Haut Conseil des Collectivités Territoriales (Hcct) qu’elle considérait
comme une sorte de salmigondis. Autrement dit, des restes de tout. « Un
peu de salade, un peu d’oignon, un peu de choux, un peu de carotte.
C’est cela le salmigondis. Personnellement, j’ai rêvé d’autres choses
pour lui (Tanor). Même si, peut-être, les circonstances l’amènent à se
contenter de cela. Quand on a voulu pour lui président de la République
et que ce n’était pas possible, on a pensé Premier ministre et que ce
n’était pas possible, on a pensé président de l’Assemblée nationale et
que ce n’était pas possible, je disais : «Il n’a qu’à rester le
conseiller officieux de Macky et qu’il soit entouré de ce halo de
mystère et de pouvoir. Aujourd’hui, c’est tout cela qui est percé »,
attaquait Me Tall Sall lors d’une interview accordée en novembre 2016 à
nos confrères du journal « Le Quotidien ». La « lionne du Fouta » ne
s’en était pas arrêtée là. Elle était allée jusqu’à claquer la porte de «
Verts » de Colobane. Elle « Ose » ensuite l’avenir en posant sa
candidature à la présidentielle de 2019 avant d’être recalée pour
n’avoir pas eu le nombre de parrainages requis.
La grande déception
Aimée
et respectée des Sénégalais pour son engagement et son opposition
pugnace au régime de Benno Book Yaakar, Me Aïssata Tall allait
surprendre son monde en décidant, à quelques jours de l’élection
présidentielle de février dernier, de rejoindre la nouvelle majorité
présidentielle et son candidat Macky Sall. « Notre coalition est en
phase avec elle-même, avec ce qu’elle croit être l’intérêt du Sénégal
[…]. Voilà pourquoi nous avons décidé, de façon consciencieuse,
méticuleuse, studieuse, de soutenir le candidat Macky Sall », avait-elle
annoncé lors de sa conférence de presse du 28 janvier 2019. L’ancienne
porte-parole du Parti socialiste qui avait été pourtant exclue de la
formation en décembre 2017, en même temps que 64 militants dont Khalifa
Sall, Bamba Fall (maire de la Médina) ou Barthélémy Dias (maire de
Mermoz-Sacré-Coeur), pour s’être montrée hostile à l’alliance nouée par
son parti avec Macky Sall, venait de décevoir cette même opinion
publique qui l’admirait jusque-là. Elle qui avait par la suite exhorté
Khalifa Sall à « prendre ses responsabilités » pour se lancer à l’as-
saut du pouvoir, avait été traitée de tous les noms d’oiseaux lors de
son retournement de robe.
Elle « trahit » Khalifa et obtient sa part du gâteau
Enième
incohérence de la mairesse de Podor. Me Aïssata Tall poussera ainsi
l’ancien maire de Dakar dans la gueule du loup avant de lui tourner le
dos. Depuis la présidentielle, elle s’était à ce point effacée de
l’espace politique que des internautes avaient lancé des avis de
recherche pour la retrouver. Mais le moins que l’on puisse dire est que
sa « traitrise » à l’endroit de ses anciens compagnons d’infortune du PS
semble être payante. Car, elle a été nommée, le jeudi 07 novembre
dernier, par décret, Envoyée spéciale du président de la République, en
rem- placement de Mme Aminata Touré, actuelle présidente du Conseil
économique, social et environnemental (Cese). Ainsi va la politique sous
nos cieux avec de spectaculaires retournements de vestes. Pardon, de
robes !
Le Témoin